|
Est-elle nulle? Leyhraj prend un cours |
Leyhraj
Travailleur de Cellule
Kil'dara
|
Le Vayang 8 Saptawarar 817 à 22h49 |
***
Une jeune femme blonde s'attarde dans l'un des innombrables commerces qui font vibrer le Kil'Sin. Au rayon jardinage, Elle passe quelques minutes à examiner la barre peinte en bleu d'un râteau. Elle ne paraît pas convaincue par le produit.
Les autres clients ont quitté le magasin. Il ne reste qu'elle. Le commerçant, après l'avoir observée pendant quelques minutes, quitte son comptoir et l'aborde dans l'intention de la conseiller.
***
« - Bonjour Mademoiselle, je peux vous renseigner?
- Madame. C'est fait en quoi, ça?
- En acier, Madame. C'est le classique, garanti à vie.
- Tu proposes quoi d'autre?
- Euh, pour les râteaux, je crains qu'il n'y ait pas...
- Et des tondeuses mécaniques?
- Vous avez une marque?
- Heber & Croll, mes potes m'ont dit qu'c'était efficace.
- Ah, si c'est ça... Je peux vous montrer, suivez-moi... »
***
C'est la procédure pour accéder à la cache lanyshsta du quartier. Leyhraj la répète sans faute chaque fois qu'elle s'y réfugie.
Il y a cette odeur de cigare qui persiste. Ces meubles familiers la rassurent. Qui sont ces gens qui figurent sur les portraits accrochés dans le couloir? Elle n'a jamais posé la question. Ils appartiennent à une autre époque.
Est-elle nulle?
Cette question la frappe au moment où elle s'assoit sur une des petites chaises en bois du salon. Sa mère l'ignorait. Son géniteur ne l'a jamais reconnue. Elle détestera ce dandy jusqu'à la fin. A l'école, ses notes insuffisantes ne l'ont jamais destinée à suivre son brillant exemple, lui qui baisait sa mère.
L'école, un traumatisme. Très tôt, le travail s'est substitué à l'éducation.
Apprendre, encore, pour parler cette maudite langue du Kil'Sin. Elle souhaite travailler ici. Les habitants ont du caractère. Les bâtiments ont de l'allure. Elle veut se faire un nom dans les gymnases. Le grain de folie qui anime le quartier attise son goût pour l'exotisme, pour les couleurs et pour la vie, tout simplement.
Va-t-elle venir?
Elle l'espère. Elle l'attend, sagement. C'est si difficile d'attendre.
*** |
|
|
Rhôz
Comitaire actif, Etudiante-Enseignante
Kil'sin
|
Le Sukra 9 Saptawarar 817 à 19h58 |
C'est une question que Rhôz avait mise de côté le temps de l'excursion vers Phralïn mais, depuis qu'elle est rentrée au Sin, elle ne cesse d'y penser de nouveau : la Concentuation et les Caches – quel lien peut-il y avoir entre les deux ?
La concentuation, cette voie de pierre et de métal, une magie plutôt « minérale », semble avoir des affinités avec l'architecture et l'élaboration de structures protectrices robustes. De ce point de vue, l'hypothèse d'un lien entre la magie concentuative et les Portes ne paraît pas complètement folle. Si les constructions antiques font plutôt dans le gigantesque, en revanche les cubes et cubicules, eux, vont plutôt du côté de la miniaturisation. Malgré la différence d'échelle, il y a dans leurs structures des points communs qui suggèrent une commune origine – les matières utilisées ou cette espèce de perfection dans les formes minérales.
Pour en savoir plus, il faudrait parvenir à pénétrer davantage les secrets des caches... Mais s'il y a bien un espace dont l'accès soit interdit au Lanyshtas – en tout cas ceux de la troisième vague – ce sont les coulisses des caches et les secrets de production des cubes. En particulier dans cette cache qu'elle avait découverte avec le Doc, une espèce ce local fortifié en sous-sol d'un bazar de façade. Cependant, on avait fini par lui indiquer l'emplacement d'une autre cache au Kil'sin. Apparemment, il n'y en a pas qu'une seule... Est-ce vraiment surprenant, cependant, pour un kil qui est par essence celui de la décentralisation et de la démultiplication ?
Un beau matin, donc, Rhôz se rend à cette autre adresse qu'on lui a indiquée. Encore un peu incrédule, elle se présente sur les lieux et donne les mots de passe – et on la conduit dans un local derrière la quincaillerie qui sert d'écran à la cache. Là voilà dans un couloir qui sent le cigare, une décoration dont le style évoque un club pour vieux barbons... Ou bien un bordel ou un tripot ? En tout cas, on ne devinerait pas au premier abord qu'on entre dans un refuge pour Lanyshtas. Elle arrive dans un salon avec quelques sièges en bois. Une personne se trouve déjà là. Étrange hasard, il s'agit d'une jeune personne de sa connaissance...
|
Rhôz, étudiante et enseignante, chercheuse et fouineuse.
(Son empreinte psychique évoque un contour de rosier dans la brume matinale.) |
|
Leyhraj
Travailleur de Cellule
Kil'dara
|
Le Sukra 9 Saptawarar 817 à 22h12 |
***
Quand Rhôz paraît à l'entrée du salon, Leyhraj sursaute presque sur sa chaise. Elle se penche instinctivement sur le cube qu'elle tient entre les mains, tout en sachant qu'il est trop tard pour le dissimuler. Elle a reconnu l'intruse et l'accueille par un soupir appuyé, qui confirme que ce n'est pas la rencontre qu'elle espérait.
Il n'y a aucune fenêtre dans cette grande pièce éclairée à la lampe, asphyxiée par l'amoncellement de cartons et d'articles invendus. Au centre, là où la jeune personne est assise, il y a une petite table ronde couverte d'une nappe blanche en dentelle. Il ne manque qu'une théière fumante et des biscuits au citron posés sur un plateau.
Des peintres locaux s'exposent sur le mur de droite. Beaucoup de toiles bigarrées représentent le quartier à toutes les heures de la journée. Le mur du fond est recouvert de dossiers et de livres organisés sur des bibliothèques. Une des lampes brûle sur la gauche, posée sur la table basse en métal qui accompagne le canapé démodé.
Ce n'est que le vestibule déguisé d'un complexe peut-être gigantesque et hautement sécurisé. à défaut d'un examen minutieux, la seule issue semble être la porte d'entrée.
Leyhraj fixe Rhôz du regard, bêtement penchée sur le cube, étrangement déstabilisée par sa venue. Ne sachant quoi dire, malgré tout forcée de dire quelque chose, elle s'exprime bizarrement:
Yooo... wasseup? Ssava? shrr... Sherhâz? Comment t'es arrivée ici?
*** |
|
|
Rhôz
Comitaire actif, Etudiante-Enseignante
Kil'sin
|
Le Dhiwara 10 Saptawarar 817 à 14h11 |
En donnant le mot de passe, pardi.
L'Érudite contrôle la manifestation de son étonnement, mais elle aussi est un peu surprise de tomber nez à nez avec une connaissance. Ce n'est pourtant pas si improbable, quand on y songe, de rencontrer une autre Lanyshta quand on se rend dans une cache.
La discussion n'a pas le temps de s'engager beaucoup plus qu'un homme avec une grande moustache recourbée vient s'enquérir de ce que cherche Rhôz.
La même chose que la demoiselle, je suppose, lui répond Rhôz.
Elle est conduite dans une petite pièce attenante où se trouve un comptoir derrière lequel elle aperçoit quelques Cubes sur une étagère. Un deuxième homme portant la même moustache est là pour faire le service.
Je prendrai un cubicule... un cubicule de langue... de dath'ogal, par exemple.
Elle a déjà un bon niveau de maîtrise de la langue, mais un petit complément n'est jamais mal venu.
À vrai dire, elle était surtout venue pour voir à quoi ressemblait cette cache-là. Elle a vu. Un peu. Mais pas tout : toute une partie de la pièce est cachée derrière un paravent en osier tressé. Impossible de savoir ce qui se trouve derrière – mobilier, acolytes, porte ou passage – sans gonfler ses sens surnaturellement, mais elle sent que ce n'est pas le moment. Pas le bon jour.
Elle retourne bientôt dans le « salon », son nouveau petit cube en mains, où se trouve encore Leyhraj.
Tu te trouves au Sin depuis longtemps ?
|
Rhôz, étudiante et enseignante, chercheuse et fouineuse.
(Son empreinte psychique évoque un contour de rosier dans la brume matinale.) |
|
Leyhraj
Travailleur de Cellule
Kil'dara
|
Le Dhiwara 10 Saptawarar 817 à 21h52 |
***
Leyhraj remarque immédiatement le petit cube que Rhôz tient dans sa main. Elle a rangé le sien dans la poche droite de son veston bleu. Le visage fermé, un coude posé sur la table, la tête basse, les cheveux tombant sur la dentelle et s'y accrochant, elle répond:
ça fait plusieurs jours. J'traîne dans le quartier pour trouver du taf.
Agitée, elle se prend la tête dans les mains, les deux coudes sur la table maintenant, puis elle soulève ses bras d'un coup, se contenant au dernier moment pour ne pas fendre le bois en frappant des poings. La tête toujours baissée, elle partage son désarroi:
Mais putain personne m'laisse bosser ici, parce que j'parle pas leur patois moisi, sa mère! Alors, alors...
Elle serre encore les poings. Tous les autres éveillés qu'elle a croisé peuvent apparemment le faire, alors pourquoi pas elle? L'aveu lui est très difficile. Elle plonge la main dans sa poche pour y dénicher le cube, qu'elle fait rouler comme un dé sur la table. Ce geste la fait un peu rire.
J'ai ach'té l'cube avant d'partir au cimetière avec le groupe.
Mais ça fait rien.
Au lieu des petits gâteaux parfumés qui apaiseraient peut-être la brute, c'est une arme qu'une des employées porte à la ceinture. Elle vient chercher un carton qu'elle transporte dans une autre pièce. Rhôz se doute bien que ce n'est qu'un prétexte pour vérifier la situation.
Il m'ont dit qu'd'habitude ça disparaît. Mais moi ça fait rien. Ils aiment pas trop que j'me balade avec le cube, alors y m'disent de v'nir ici pour essayer.
*** |
|
|
Rhôz
Comitaire actif, Etudiante-Enseignante
Kil'sin
|
Le Sukra 16 Saptawarar 817 à 14h08 |
Tandis que les employés de la cache font leurs allers et retours, la jeune fille laisse éclater son exaspération. L'Étudiante se sent obligée de la calmer un peu et la rassurer.
Allons, il n'y a pas de quoi s'énerver...
Le patois d'un kil, c'est comme la boxe ou la savate, ça s'apprend. Il faut juste un peu de patience au début.
Et si jamais tu as besoin d'un professeur...
Rhôz laisse sa phrase en suspens, mais montre par son attitude corporelle qu'elle parle d'elle-même – l'Étudiante est également une Enseignante. Mais la question linguistique n'est apparemment pas la seule chose qui chagrine Leyhraj.
On peut apprendre plein de choses avec les cubes et leurs petits cubicules, mais il en faut souvent plus d'un avant de sentir une vraie progression... surtout s'il s'agit de langues.
Pour le reste, c'est une question de douceur perceptive et d'ouverture d'esprit. Peut-être que si ton cube ne disparaît pas, c'est parce que tu en attends trop – trop de force d'un coup. Un peu comme si écarquillais les yeux quand il faut les plisser, ou que tu te crispais à un moment où il faut se détendre.
Joignant le geste à la parole, l'Érudite commence à manipuler son cubicule en poursuivant son explication.
Tu peux commencer par caresser sa surface pour sentir combien elle est lisse. Et puis, peu à peu, tu vas sentir qu'elle comporte en fait des aspérités. Tu vas même commencer à deviner comme le contour d'un motif au bout de tes doigts. Les aspérités vont progressivement devenir des fissures, et le cubicule va s'ouvrir comme une fleur exhalant une odeur, une fragrance qui va peu à peu pénétrer en toi. À la fin tu réaliseras que le cube s'est évaporé et que des connaissances nouvelles sont en toi.
Rhôz a volontairement procédé par une lente gestuelle, au fil de ses explications. Le petit bout de cube qu'elle avait dans ses mains a effectivement fini par s'ouvrir et se désagréger, comme la sublimation d'un cristal de neige.
Au début on tâtonne parfois un peu – mais un Lanyshta expérimenté peut faire tout cela en un clin d'œil.
La seule condition c'est d'ouvrir son être à une connaissance nouvelle. Si tu restes fermée, le cubicule risque de rester inerte et solide comme un vieux bout de bois.
|
Rhôz, étudiante et enseignante, chercheuse et fouineuse.
(Son empreinte psychique évoque un contour de rosier dans la brume matinale.) |
|
Leyhraj
Travailleur de Cellule
Kil'dara
|
Le Sukra 30 Saptawarar 817 à 22h09 |
***
"Putain mais quelle conne!", se dit-elle pour elle-même. Ne pas admettre qu'elle était lanyshsta la prive maintenant de tous ces pouvoirs. Rhôz qui lui répète ce qu'elle sait déjà, ouvrir son être, une question d'ouverture d'esprit, je sais, je sais, je sais, je sais, je sais, je sais, ça va, pas la peine d'insister!
Leyhraj paraît toujours exaspérée.
Elle le sait: il lui faudra énormément de temps pour ouvrir son esprit. En attendant, elle doit trouver un travail. Elle a une faim d'ogre depuis quelques temps. Elle en a assez de dormir dans des dortoirs malodorants et bruyants. Elle veut une chambre privée!
Elle renonce à ouvrir le cube pour l'instant. Sa priorité est d'apprendre le patois du Kil'Sin. La proposition du professeur Rhôz est juste ce qu'il lui faut. De fait, la jeune femme néglige presque tout ce que l'érudite vient de lui dire, hormis la proposition de cours:
Ok, j'essaierai d'ouvrir mon esprit. Merci. Oui j'ai besoin d'un professeur. Dis-moi combien tu veux et j'te paye pour des cours.
*** |
|
|
|
|