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Après la huitième partie de cartes, si j'ai bien compté, l'ardeur est un peu ralentie
il est temps de servir le thé
 
Harvain
Gens de foyer
Kil'dé  
Le Merakih 8 Julantir 815 à 14h42
 
Au milieu d’une foule cosmopolite, bigarrée, plus ou moins honnête, pauvre, sentant la bière et la sueur et totalement dépourvus de sens de l’étiquette, j’avais la très nette impression d’être en décalage. Réfléchissons. Comment en suis-je arrivé là…

Quelques heures plus tôt.

Sortant d’une discussion enrichissante avec le directeur de l’hôtel, un ancien camarade de chambrée du Locus Solus, je me mettais en route vers une adresse d’un célèbre revendeur de thé dans les puces Koï. J’avais été conseillé de laisser les biens de valeur, sait-on jamais. Béchamel moisie ! Je suis en fait dans un quartier entier de tire-laines ? Je laissais donc à regret mon portefeuille et les insignes de ma fonction dans la chambre de mademoiselle Thaïs mais je conservais quand même la montre gousset par principe. Un krolanne digne de ce nom se doit de toujours avoir l’heure sur lui, question de principe. J’emportais mes dagues également, question de principe. Sauf que voilà, tout ne s’est pas réellement passé comme prévu. Disons que mon sens de l’orientation est probablement ma plus grosse faiblesse. Non pas probablement. Sûrement. Scylla que ce quartier est mal fichu ! Où sont les grandes rues et les avenues qui se croisent à la perpendiculaire dans mon Kil’dé bien aimé ? Ici, tout n’est qu’anarchie urbaine, bande de.. de…de malotrus ! Alors un coup, c’était à droite, un coup c’était à gauche. Mon GPS (Grossomodo, un Plan Suffisant) n’était pas à jour depuis environ trois décennies, c’était fâcheux. J’aurai du prévoir ce détail là… Bon, voyons… Harvain, mon garçon, tu as survécu aux leçons d’étiquette de madame Pètesec, tu as appris par cœur le manuel de courtoisie de madame de Pompe à Dour, tu sais désosser un poulet en trois minutes et quarante-trois secondes (record imbattu), tu connais cent thés différents, tu es l’incarnation du majordome dont rêve tout maître riche et bien né, ça doit être à ta portée de te retrouver dans un quartier où des gens qui ne se lavent pas les aisselles se déplacent.

Quelques heures plus tard. Maintenant.

Finalement…je n’aurai pas du sécher les leçons de course d’orientation… Me voilà dans un imbroglio de tavernes, d’échoppes, de gargotes minables… On voit même des vendeurs ambulants, Scylla me vienne en aide. Qu’est-ce que cet énergumène me veut ? Il me baragouine dans son sabir de sauvage !


Désolé monsieur, je ne suis pas d’ici.

Bizarre, on dirait qu’il se frotte les mains.

Salutations seigneur ! Que diriez-vous d’un petit pain avec une saucisse à l’intérieur ? 5 krysoprases seigneur, et encore, pour ce prix, je me tranche la gorge.

J’hésite juste à lui donner ses 5 graines pour qu’il éloigne sa bouche de ma figure. D’ailleurs, j’ai l’impression que la saucisse est vivante, ça grouille… Charmant. Quand rentrons-nous au Kil’dé mademoiselle Thaïs ? Pitié... Voyons, si je refuse poliment il ne va pas me lâcher. Et je ne vais pas m’énerver contre ce symp…attach…exoti…crétin d’étranger.

Monsieur, je crois savoir que derrière vous, des gens partent avec votre marchandise.

Le temps qu’il tourne la tête, je peux reculer dans l’ombre d’une ruelle et me fondre quelques minutes dans des ténèbres bruyantes. Attendant d’être sûr qu’il soit parti enquiquiner d’autres touristes, je ressors tranquillement puis un bruit de grelots attirait mon attention. Ah, un clown en pleine rue, oui c’est tout à fait normal dans ce quartier de fous.

Bonjour monsieur, excusez-moi, je cherche le magasin de thé « la cour secrète des arcanes », rue du capricorne je crois bien.


 
Elyas
Passeurs de temps,
Arlequin

Kil'sin  
Le Merakih 8 Julantir 815 à 16h18
 
*** En milieu d'après-midi.
Pas loin du "Bois-sans-Faim". ***


Il faisait chaud, très chaud, trop chaud. Malgré ça, mon esprit restait glacé.
Je ne savais plus bien pour quelle raison je m'étais retrouvé dans la rue par une journée pareil. Les artères impossibles des Estaminets étaient bondés. Marchands ambulants, comédiens itinérants, ivrognes, séducteurs estivaux, Répéteurs-jacasseurs et bien d'autres encore. Tout ce beau monde formait l'âme du Kil'Sin. La démarche maniérée et l'esprit allégé par autant de frivolité, je m'arrêtais auprès d'un certain "Jacky Perdraux", adolescent au physique ingrat mais dans les dont les histoires avaient l’avantage d'être toujours bonnes...à défaut d'être véritables.

Malgré mon petit gabarit, les autres auditeurs avaient tendance à laisser à ma personne tout l'espace nécessaire pour être contemplé. Faut dire qu'il y avait de quoi !
Coiffé d'uns de mes plus sublimes chapeau à clochettes, une création personnelle, et d'un ensemble fait main parfaitement ajusté, j'étais l'étincelle colorée au milieu de cette populace mal fagotée. Un Arlequin se devait d'être amusant quel qu’en soit la situation. Néanmoins pour le moment, on m'avait épargné les habituelles supplications pour obtenir une cabriole, un lynchage public (le Kil'sin est cruel) ou encore une partie de dés. Ouf. Les droits du travail pour un clown parieur, c'était pas pour demain.


[...] : Eh la Perd' ! C'est vrai ce qu'on dit sur la Catin au pelage bleu? Parait qu'elle se fait payer une blinde et qu'une fois au coucher, elle vous sectionne les parties et les dévore avant de vous laisser crever dans votre plumard ! Pire que le Boucher-mutant !

Il y eut des hauts le cœur dans la foule. Le Jacky, lui, garda son air sérieux. Un cercle s'était formé autour de lui. Il toisa du regard l'ensemble de ses auditeurs, une technique très répandue ici bas pour s'assurer l'attention de tous.

Jacky Perdraux : La...Catin au pelage bleu... J'en ai entendu parler, mais pas directement. l'histoire est...terrifiante...sanglante...

Il n'y avait que trois sujets qui faisaient régulièrement fureur dans les ragots du Kil'sin : les affaires de mœurs (à supposer que les Sinites soient dotés d'une quelconque moralité), les Vindictes et les meurtres. Le reste n'intéressait pas ou peu la ménagère qui profitait de ses courses journalières pour écouter une fable qui la tirerait de sa routine.
J'imaginais déjà ce que le conteur aller déblatérer : un mélange de pratiques déviantes mêlés à une supposée monstruosité (les monstres, ça fait vendre), le tout ponctué de scènes de crimes tout aussi inédites que violentes. Quelques rues plus tôt, j'avais croisé une vieille femme qui racontait comment son neveu supposé mort s'était retrouvé à tailler du diamant dans un sous-sol accompagné d'hommes et de femmes drogués à la Rêveuse jusqu'à ce que l'heure de la révolte sonne et que la troupe d'attardés se décide à cogner sur leurs tortionnaires imaginaires à coup de torchons. Cette histoire n'avait aucun sens, pas plus que celle de la chèvre volante à trois pattes.
Du coup, je n'avais pas bien le choix : entre deux histoires bouseuses, autant choisir celle qui était la mieux emballée. Car il fallait l'avouer : le Jacky, il savait raconter.


Jacky Perdraux : ...Tout commença il y a bien longtemps dans un poste de Gardes-murailles... Une petite fille dont on ne connaissait pas la provenance se retrouva dans les bras d'un homme bien décidé à faire d'elle son joyau, sa richesse... Il l'éduqua, soigna sa teinture si particulière... L'enfant n'avait pas huit ans qu'elle commença déjà à exercer dans les plus rustres établissements que le Kil eut connu...Imaginez là...Seule...Effrayée...

Étrangement, j'eu une pensée pour la Bleue.
Était-ce d'elle dont parlait cette bêtise? L'idée m'arracha un rire soudain, rompant avec l'atmosphère lourde que tentait d'instaurer l'adolescent. Il me jeta un regard noir, tout comme le reste de l'assemblée. Ni une ni deux, je sautais à cloche-pied, secouant la tête pour animer mes clochettes. La foule gloussa puis s'en retourna vers le conteur.
Quelle bande d'abrutis.
L'histoire continua quand tout à coup, une voix à l'accent étranger m'interpella. Sur un pied, tout en tentant de conserver mon fragile équilibre, je me retournais vers l'homme.


Eh ben ça !

Je ne réprimais pas l'expression de surprise et de plaisir qui se dégageait de mon visage. Droit comme un piquet, cheveux luisants et bien coiffés, une barbe taillée au poil de fion et une tête inexpressive à souhait.
Bingo. J'avais trouvé mon jouet de l'après-midi.
Dans une pâle imitation du phénomène, je me tins aussi droit que mon dos légèrement voûté pu me le permettre puis esquissais une révérence imparfaite et moqueuse.


L'Arlequin pour vous servir, ou vous desservir, comme il vous plaira. Rictus. Son Altesse vient de trouver en notre personne le guide adapté. Ici bas, trouver un bon Fou n'est pas chose aisée. Des tas tentent de se lancer lancer dans la profession... Ah si vous saviez... Ils ne sont en vérité qu'une insulte à nous autres experts de la Comédie !

Le ton étai nasillard, mielleux.

Oh venez, venez-venez par ici, fuyons cette horde de mal-propres.

Je le contournais pour lui indiquer l'autre côté de la rue, moins bruyant et à l'écart du passage.

Alors comme ça, sa Majesté Cul-cousu cherche un vendeur de thé? Bien-bien-bien... Nous en connaissons des tas : thés aromatisés, thés qui font oublier, thés qui font rêver, thés qui font baver, thés qui font rigoler, thés qui font planer...la liste peut être longue vous savez.
Est-ce bien ceci que vous cherchez?


Je le regardais de haut en bas.

Ceci dit...C'est compréhensible. Ça ne doit pas bien facile d'être vous tout les jours. Vous devez avoir besoin de quelque chose de bien fort, c'est sûr.

Blague à part, le magasin de la Cour Secrète des Arcanes ne me disait rien. Pas bien célèbre dans son genre. Faut dire qu'en matière d'herbes, j'avais plutôt tendance à rester fidèle : mon Bragg, c'était une valeur sûre.


- Thème d'Elyas -
 
Harvain
Gens de foyer
Kil'dé  
Le Julung 9 Julantir 815 à 10h38
 
Et voilà, c’est bien ma veine, je tombe sur un beau-parleur. Bon au moins a-t-il l’air à peu près convenable. Convenable si on met de côté :
- Son style vestimentaire excentrique
- Sa façon douteuse de m’appeler « Altesse » ou « Majesté »
- Sa voix désagréable
- Sa posture improbable
- Ses propositions de produits plus ou moins recommandables
- Son manque de respect de l’étiquette
Hormis cela, cette personne semble à peu près présentable. Oh, à l’école nous avions aussi des cours de théâtre et quelques fois nous nous grimions en histrions loufoques nous permettant de relâcher un peu de pression. Une fois par an, deux maximum. Point trop n’en faut.

Mais qu’est-ce qu’il parle… Scylla me vienne en aide. Vous voulez torturez un kil’sinite, bâillonnez-le et enfermez-le dans une pièce hermétique aux sons. Oh ça serait amusant… Si éventuellement on lui tranche les cordes vocales, c’est un mieux. J’attends patiemment qu’il ait fini de parler et j’impose un silence avant de répondre, plus long que nécessaire. Je parle lentement, pesant mes mots, lentement, finement, tranquillement.


Pas n’importe quel thé aromatisé monsieur…Arlequin ?

En même temps, avec une tête pareille, son nom de scène n’aurait été sûrement pas « monsieur Sobre ».

Je tends une fine feuille de papier au filagramme doré. Comme un prospectus commercial mais plusieurs crans au-dessus, il s’agit plutôt d’une invitation organisée par des juristes. Il annonce, dans une écriture fine, la mise en vente aux enchères d’une cargaison rarissime d’un mélange de thé disparu il y a plusieurs années lors d’une attaque de pillards. Il faut quelques instants pour comprendre que le nom du thé est « Brumes du prince indigo ».



 
Elyas
Passeurs de temps,
Arlequin

Kil'sin  
Le Julung 9 Julantir 815 à 13h35
 
Pas bien bavard l'ami nobliau. Tout au long de ma succulente présentation, il était resté de marbre, impassible. C'était suffisament rare pour le noter.
Au moins avait-il saisi à qui il s'adressait. Un bon début. J'en étais presque venu à douter. C'est que j'aurais pu tomber sur un aristo-demeuré !
Je le fixais par intermittence, évitant de croiser son regard trop longtemps. C'était une sorte de jeu du chat et de la souris.


Arlequin c'est bien nous en effet. N'est-ce là que ce que vous avez retenu?
Oh...


Avec la langue si peu pendue et un tel accoutrement, s'il restais seul je ne donnais pas cher de la peau de cet étranger.
Je jetais un coup d’œil à son papier. Encore un truc de riche. Ah vraiment...pour un peu qu'il traîne jusqu'à la nuit tombée dans les Estaminet, le bonhomme finirait dépouillé. Pour sûr qu'un bon quart des fripouilles du Kil l'avaient déjà remarqué, tout clinquant et débordant de manières.
Le nom du thé ne me dit rien non plus.


Enfin qu'importe. Rue du capricorne vous disiez...Mmh... Ça ça nous parle ! Bien plus que votre drôle de machin secret saupoudré d'arcanes, encore un attrape-mutant ce coin là !

Faut dire qu'un magasin de thé qui choisissait un nom pareil, c'est sûr que ce n'était pas courant. Encore un revendeur de farces et attrapes, ouai, pourquoi pas.

C'est pas bien loin, peut-être une dizaine de minutes à pied en remontant vers les puces. Désirez-vous que nous vous y conduisions Altesse cul-suturé?

Après tout pourquoi pas. Je n'avais rien de mieux à faire de toute manière.
Puis...le drôle de monsieur était à mes yeux un théâtre à lui tout seul. En moins bavard, certes.



- Thème d'Elyas -
 
Harvain
Gens de foyer
Kil'dé  
Le Dhiwara 12 Julantir 815 à 08h05
 
Ca… « nous » parle ? Comment ça « nous » ? Oh, je comprends. Oui, après tout pourquoi pas. Un clown qui n’est pas seul dans sa tête, ça, j’ai l’habitude. Je me souviens, il y a une petite dizaine d’années, au service de monsieur Baldran, il parlait toujours de lui à la troisième personne. Au début, ce n’était pas problématique, mais quand il a commençait à arpenter le manoir avec ses sous-vêtements sur la tête, on pouvait penser qu’il s’agissait d’un début d’une certaine pathologie psychiatrique. Je me souviens encore avec amusement des commis de la Défense tentant de le faire descendre du buffet à vaisselle tandis qu’il chevauchait un fusil à pompe. Nonobstant ses mœurs étranges et l’instabilité mentale chronique partagée par tous les habitants de ce quartier bruyant, je trouve ce monsieur bariolé presque supportable.

Il me faudra toutefois passer sous silence cette insulte à la plus grande maison de thé de ce quartier plus ou moins minable. Un "machin secret saupoudré d'arcanes"...si le directeur de cet établissement l'avait entendu, il aurait assommé ce bariolé avec une théière en fonte. Quand je pense que c'est la seule raison qui pourrait me retenir de ne pas raser ce quartier infect. Humf ! La cour secrète des arcanes, un art de vivre, un ilot de bienséance et d'intelligence délicate au milieu de cette mare stagnante de galimatias et de débats un peu trop féconds. Humf !

Et puis qu'a cet énergumène multi-chromatique à propos de mon séant ? Ce n'est certes pas une façon convenable d'adresser la parole à un visiteur, c'est scandaleux ! Le costume de fou ne justifie pas tout monsieur !


Je vous en serai gré messieurs autant ne pas le froisser Arlequin

Je sens que la prochaine dizaine de minutes va être compliquée... Je hausse un sourcil d’anxiété



 
Elyas
Passeurs de temps,
Arlequin

Kil'sin  
Le Dhiwara 12 Julantir 815 à 10h20
 
Alors que nous conversions, ou plutôt que je conversais, un gamin s'était arrêté dans le dos de l'étranger. Les yeux rivés sur ses poches, il approcha une main vive et précise quand tout à coup...
SCHLAK !
Je m'étendis comme un félin, frappant du bout des doigts la petite menotte du gosse qui ne devait pas avoir plus de dix ans. Il retira son bras, j'avançais mon visage dans sa direction comme un faucon qui fond en piquet sur sa proie.


Pas touche le mioche ! C'est le Nôtre !

Il m'avait comprit. Peut-être pas tout les mots mais le message était passé. Plus vite qu'il n'était arrivé, il déguerpit à toute vitesse et disparu dans la foule. Personne, hormis l’Altesse et moi même, n'avait vraiment remarqué le larcin avorté. Je me redressais, toujours en évitant de croiser du regard l'étranger.

Les coquins. Ils manquent d'éducation. Lorgner l'arrière train encombré d'un voisin, c'est quand même gênant ne trouvez-vous pas?

J'agitais la tête, animant mon couvre-chef à clochettes.

Aller-aller, c'est que vous ne devez pas avoir que ça à faire. Quelqu'un de votre stature, ça n'aime pas Passer le temps mmh? En route, suivez-nous de près. Nous ne voudrions pas vous égarer au milieu de cette populace dégénérée, non-non-non !

J'ouvris la marche d'un pas déterminé quoiqu'assez particulier. On eut dit que je marchais sur des œufs. Chaque foulée tenait plus du bond dansant qu'autre chose. Le tout était saupoudré du tintement de mon chapeau. L'ensemble était étrangement mélodieux, en harmonie avec chacun de mes mouvements. Était-ce le fruit du hasard ou d'un travail acharné?

*** Une poignée de minutes plus tard.
Devant la Cour Secrète des Arcanes. ***


En remontant vers les puces, les rues étaient moins fréquentées. Dans les puces, les passants dégageaient une banalité à en gerber. Ils souriaient, saluaient, complimentaient avec une sincérité désarmante. Plus jeune, j'avais pensé qu'il s'agissait là d'un jeu d'acteur digne des meilleurs. Cependant en grandissant, je m'étais aperçu combien ces gens là se plaisaient à nager dans cet océan de naïveté. Des pions, des pions partout.
J'avais alors appris à les imiter. Sourires, calembours et pitreries furent mes outils de séduction. On ne se refait pas. Pourtant, je n'en avais pas perdu ma vision originelle. Je m'étais simplement contenté de me fondre dans cet environnement abrutissant.

Après avoir remonté la rue des potiers, nous arrivâmes jusqu'à celle du Capricorne. Un coup à droite, tout droit pendant deux minutes et paf ! Nous étions arrivés.
Je m'arrêtais net puis fis un demi tour en sautant pour arriver sur un pied, les bras tendus vers l'enseigne du magasin de thé.


Tadaaaaam !

J'étais posté là comme une statue, immobile et magnifique. L'Artiste attendait ses louages.


- Thème d'Elyas -
 
Harvain
Gens de foyer
Kil'dé  
Le Luang 13 Julantir 815 à 11h46
 
*** Ambiance ***


Perdu dans mes rêveries, je n’avais rien vu venir, je ne pensais pas qu’il fallait se méfier également des enfants. Scylla me vienne en aide, ils deviennent malhonnêtes dès le plus jeune âge, quelle horreur. Ca commence par voler des bourses et après ça fini par passer son temps à parler, la pente fatale. Me voilà redevable donc d’un bouffon à la personnalité fractionnée ? Si les autres alumni du Locus l’apprenaient, je serai ridicule. Hum…

Hum ?

Quelqu’un de ma stature ? Quoi ma stature ? Sait-il seulement que je ne suis qu’un laquais ? Humf ! Ca se trouve, il me prend pour un bourgeois ou un noble ? Ah, voilà donc pourquoi il m’appellerait Altesse. Béchamel moisie, cela se voit pourtant que je porte qu’une livrée de majordome, pas celle d’un maître. Aucun sens de l’observation ces gens !

J’avais la très nette impression que ce quartier était une immense cour des miracles. Ça grouille d’activité, de vie, de rêves, de diatribes dithyrambiques, ça tente l’aléa et le hasard au petit bonheur la chance… Infect ! Ces gens, ces sans-destins, ils ne savent pas ce qu’ils font, ils n’ont pas de destination précise ! Où est le bon vieux déterminisme de notre cher Kil’dé ? Une vie pré-paramétrée, minutée, ficelée comme un bon rôti, comment vouloir autre chose ? Un libre arbitraire illusoire ? Comme s’ils pouvaient influer sur leurs destins ! Ça se saurait !

Au fur-et-à-mesure de notre cheminement, nous passions dans un quartier plus lisse, plus propre, plus normé. Oh, je dirai que nous sommes encore loin des béatifiques terrasses de chez nous, mais disons que nous avons un léger mieux par rapport à avant. Voilà des gens bien propres, qui marchent droit, voilà, oh, une révérence exécutée presque normalement, je lui donne 2/10 pour la participation. Ah, un nœud de cravate à peu près bien fait, dommage, il aurait mieux fait de se pendre avec, cela m’aurait évité une vision douloureuse. Mademoiselle Thaïs, quand rentrons-nous au manoir ?

En arrivant à la rue du Capricorne, j’ai l’impression de sentir l’odeur du thé, j’avais du mal à contenir mon stoïcisme. C’était la période des étrennes avant l’heure ! Le pourboire du Destin. Pensez-vous donc, du thé ! Quel krolanne normalement constitué ne se damnerait-il pas pour une telle occasion ? Pensez-vous, du « Brumes du prince indigo », il ne doit pas y avoir cinq personnes sur Syfaria qui en ont déjà bu. J’ai deux ans d’économies, j’espère que ça sera suffisant…

La cour secrète des arcanes est une ancienne menuiserie artisanale mise en faillite par la concurrence industrielle de plus grosses entreprises. Vendue pour une poignée de clous à un négociant en thé à la recherche d’endroits où stocker ses cargaisons. Les fragrances des essences communes ou plus rares donnèrent au thé entreposé un fumet original, jamais dégusté car à l’époque, le thé était conservé dans des boites en fer pour éviter l’humidité. Mais certaines boites se corrodaient, gâtant irrémédiablement l’odeur des feuilles. Alors l’ancienne menuiserie renaquit de ses cendres, les anciens employés furent réembauchés, les machines rachetées. La seule différence était que les produits fabriqués étaient beaucoup plus petits…

C’était il y a un peu plus d’un siècle.

La cour secrète des arcanes, là où les arcanes de deux artisanats différents se rencontrèrent, avait été proposée pour accueillir cette exposition et vente aux enchères à la bougie pour cette cargaison unique en son genre. De chaque côté d’une grille vénérable grande ouverte étaient postés deux malabars à l’air vraiment pas avenant. Ils contrôlaient les identités des invités. Le tout se faisait tout de même dans une ambiance détendue mais guindée.

L’arlequin ne passait pas inaperçu au milieu de cette population feutrée. La plupart masculine mais avec quelques touches féminines. Quoi qu’il en soit, population âgée. Le plus jeune aurait pu avoir 40 ans si son air sérieux ne lui en donnait pas dix de plus. En gros, une armée de moi-même, disparate mais similaire. Négociants de thé, directeurs d’établissements spécialisés, majordomes, gouvernantes, riches amateurs… J’applaudis délicatement mon guide improvisé et amorce un demi-sourire d’amusement.

La cour avait été repavée il y a quelques années pour le centenaire d’existence de la Cour. Quelques arbustes, généralement des oliviers ou des pruniers, trônaient en son centre tandis que de petits massifs de buis faisaient la jonction entre le sol et les murs. De part et d’autre de la cour des bâtiments recouverts de lierre grimpant. Celui de droite possède plusieurs baies vitrées et sert généralement de boutique et de hall d’exposition. A gauche se tient la fabrique qui a été aménagée pour l’occasion en salle d’enchère. Je glisse une main dans la poche pour regarder ma montre gousset, j’ai largement le temps. Louée soit ma prévoyance qui me pousse toujours à prévoir double temps de voyage. Comme je le dis souvent à mes victimes, il vaut mieux une heure d’avance qu’une seconde de retard.


Appréciez-vous le thé messieurs Arlequin ?


 
Elyas
Passeurs de temps,
Arlequin

Kil'sin  
Le Matal 14 Julantir 815 à 02h49
 
Je haussais les épaules.

Au fond le thé, c'est de l'herbe en sachet. Or l'herbe, nous, on aime bien. Du coup, nous pensons qu'il convient de dire que nous apprécions le thé, oui-oui-oui.

Il y eut un blanc. Je fis un pas vers l'étranger , les yeux grands ouverts.

Puisqu'on en est aux confessions...aimez-vous les friandises cher monsieur au postérieur-encombré?


- Thème d'Elyas -
 
Harvain
Gens de foyer
Kil'dé  
Le Matal 21 Julantir 815 à 21h28
 
*** Ambiance ***


Je manque de m'étrangler devant la remarque de mon guide si bien que j'occulte l'étrange mention à mon séant soit-disant encombré. Au fond, le thé, c'est de l'herbe en sachet ??! Et au fond, nous krolannes ne sommes que de la viande et des excréments sous plusieurs couches de peaux ? Humf ! Quelle vision réductrice ! Blasphème ! Hérésie ! Sacrilège ! Ô rage, Ô désespoir, Ô mœurs ennemies ! N'ai-je donc tant vécu que pour avoir les oreilles pourries ? Mais, mais, mais c'est pas possible ça !

Le thé, ce n'est pas de l'eau chaude, ce n'est pas un bout de porcelaine, ce n'est pas un gâteau sec ou même un médicament. Non ! Pour ça, il y a le café et le chocolat chaud, pour le commun des mortels, le vulgaire, le lambda. Mais le thé, le thé bon sang ! C'est un art de vivre, un esprit, un temps d'échange, un moment de sérénité, un bouquet floral, minéral, fruité, épicé, amer. C'est l'incarnation d'une excellence, le liant social entre gens de bonne éducation, c'est l'aboutissement de notre race, notre différenciation avec l'animal.


*** ***


Je toise cet étrange personnage, son costume multicolore, son bonnet de fou et ses grelots. Il ne me semble pas bête malgré l'étrangeté de son accoutrement et de son phrasé. Qu'est-ce qui se cache sous ce rôle de scène, j'en deviens presque intrigué. Est-il comme ça tout le temps ? Vit-il dans un autre monde ou s'agit-il d'un loisir ou d'un métier comme un autre ? Ces kil'sinites sont vraiment étranges. Malpolis, étranges et éventuellement sympathiques.

Sympathiques à petites doses.


Je reconnais que de temps en temps, un petit biscuit sec aux amandes ou une religieuse au chocolat les jours fastes disparaissent du plateau au retour entre le salon et la cuisine.

Qu'est-ce qu'il m'a pris de dire un tel secret ??



 
Elyas
Passeurs de temps,
Arlequin

Kil'sin  
Le Merakih 22 Julantir 815 à 08h02
 
J'agitais la tête, toujours souriant.

Oh le coquin ! Il pique des peu-tit biscuits ! Il pique des peu-tit biscuits ! Il pique des peu-tit biscuits !

Je sautillais d'un pied à l'autre, moquant l'étranger sans la moindre retenue.
Les passants, plus rare sur cette rue là, me pointaient du doigt en rigolant. Être montré en spectacle de la sorte, cela ne devait pas bien plaire à mon compère du moment.
Lorsque j'en eus fini, je tapotais trois fois dans mes mains puis esquissais une révérence basse, très basse, mais aussi très maladroite.


Sur ce chère Majesté, il est temps pour nous de prendre congé. Nous ne voudrions pas abuser de votre patience.

Je reculais d'un pas. Puis deux. Puis trois. Et... je fis volte-face.
Un dernier regard vers le drôle d'oiseau venu d'ailleurs.


Ah et...gare à vos fesses, les pervers sont partout dans ce coin là... Hé-hé-hé !


- Thème d'Elyas -

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