[Fait suite à « Monorail pour Kil'dara (1ère partie) » dans les Détours de Kil'sin.]

Sur son unique et imposant rail de fonte améliorée, au sommet d'un aqueduc antique, et sous un pâlot ciel d'hiver, le Momo-Express file de Kils'in vers Kil'dara. Cinq des six voitures composant le train sont des wagons de marchandises protégés par des cheminots armés d'armes énergétiques, abrités dans de petites guérites sur les toits. Gare aux Krynänns téméraires qui oseraient s'aventurer si haut et si près de la voie ferrée. Le sixième wagon, le plus proche de la locomotive du monorail motorisé express, est une voiture de passagers dont à peine un tiers des places sont occupées – les voyageurs entre sharss ne sont jamais si nombreux.

Deux d'entre eux sont des Lanyshtas partis rencontrer leurs congénères de Kil'dara et s'entretenir de diverses questions. L'un des deux est un homme encore jeune, bien que sa posture de guingois et sa mine déconfite vieillissent ses traits. Il n'a pas beaucoup parlé depuis le départ du train. L'autre est une jeune femme qui semble plus confiante et mieux portante. Elle est plongée dans la révision d'un manuel de conversation en patois kildarien.

... « Combien coûte ce parapluie, s'il vous plaît ? » ... « Bonjour Madame, je voudrais un ka'afë. » ... « Quelle est cette étonnante machine ? » ...

Encore deux petites heures avant l'arrivée au terminal de monorail de Kil'dara. Loin au-dessous de l'aqueduc et du rail, des ruines dans une nature hostile, assiégeant les derniers quartiers de la Cité encore debout. Fragiles îlots auxquels s'accroche la civilisation Krolanne.

 
Aaaah, les joies du voyage en monorail. Et de l'ennui, surtout. Cal n'était pas un homme à rester sans rien faire pendant de longues, longues heures. Et c'était dans une cabine fermée qu'il devait désormais faire cela. Il avait trouvé à s'occuper néanmoins. Les habitants du crû utilisaient une monnaie différente du Sin. Et il était parti sans faire de change. C'est ainsi qu'en "contrôlant" les tickets des locaux, il avait réuni trois bourses -de taille réduite, il ne s'agissait pas d'attirer l'attention- dont le contenu lui permettrait sûrement de vivre un jour ou deux de manière autonome. De toute façon, une fois sur les lieux, il lui suffirait de voler à nouveau. Pas vrai ?

Mais son objectif premier, qui consistait à trouver l'étudiante, n'était pas réalisé. Il sentait sa présence, bien sûr. Et elle ne tarderait sans doute pas à sentir la sienne. Mais il était toujours incapable d'identifier l'emplacement d'une aura. Bon Kils de bonsoir, il y arriverait bien un jour. Une deuxième aura, de plus, le perturbait. Un autre lanyshta, ici ? Plus on est de fou... Les deux auras, proches... Ensemble ? Il était dans le même wagon.

Jalou...

File les jours, file les nuits, lalala, tout ça, tout ça. Passons. Non, ce n'était pas à cause de lui qu'il n'avait pas été invité. De toute évidence. Et si... Et si menacé par cet homme elle avait été forcée de lui dire de ne pas venir ? Oui, bien sûr... C'était ça. Il fallait la jouer fine.

Et lorsque la porte de la cabine s'ouvre, c'est le tête d'un blondinet en uniforme, éternellement souriant, qui passe. Dear diary, jackpot.

CK : "Saluuuut la compagnie ! Quel hasard, vraiment, je passais dans le coin, j'avais envie de visiter et soudainement, je me suis dit "hey, ma bonne copine Rhôz, Rosée, elle est là, je vais lui dire bonjour ! Salut toi ! Tu me présentes ton ami soeurette ?"

Et, en pensée, à Rhôz.

CK : "Tout va bien, je suis là, il n'a pas mis de bombe dans ta poche, tu peux pa... Penser librement ?"

 
Rhôz commence à peine à sentir poindre une nouvelle présence que, sans qu'elle ait le temps de débattre intérieurement sur le thème « ami ou ennemi ? », c'est un blondinet bien connu qui déboule dans le compartiment... en uniforme de contrôleur.

Cal ?

Elle n'attend évidemment pas de confirmation d'identité, il n'y a aucun doute là-dessus. Son interrogation, implicitement, porte surtout sur le pourquoi et le comment de sa présence en ces lieux.

Pensée :
Et ces questions saugrenues...

Pensée :

 
Ces sandwichs de la Section Nutritive du Comité Ferroviaire, c'est vraiment de la daube !
Mode d'emploi :

- Prenez deux tranches de pain semi-transparentes
- Frottez-les à du gras de jambon (variante : pulvérisez une couche mono-moléculaire de suif, la SNCF le vend en spray)
- Faites-vous racketter
- Ingérez (attention, de petites pièces sont susceptibles de rester coincées dans votre anus)
- Priez pour que les toilettes soient libres et foncez-y
- C'était occupé : nettoyez le bas de votre pantalon et videz vos pompes
- Revenez vous asseoir avant que le gros balèze installé devant vous n'abaisse son siège
- Trop tard. Faites le reste du voyage le menton sur les genoux

L'estomac crispé par le traitement inhumain et la position ci-dessus décrits, je reste cois l'essentiel du trajet. Madame Rose m'explique dans les grandes lignes ce qu'elle souhaite faire au Kil'Dara (le quartier des savants fous mangeurs d'enfants lanysthas) : visiter les bibliothèques (m'ouais), visiter le quartier (nope), rencontrer ses habitants (nope, nope nope noooope). Elle n'ajoute pas les sévices compris : se faire pécho par un chasseur de lanysthas taxidermiste et finir en abat-jour sur sa table de nuit. Moi qui, tout petit, rêvait d'être une lumière...

Tiens, voilà le contrôleur. Ma parole, l'érudite le connait ? Ah mais c'est son frère, en plus ?? Quelle famille ! Elle ne cessera jamais de m'étonner...
J'espère qu'elle n'a pas oublié mon billet, d'ailleurs : je suis assistant depuis peu. Très peu, même :
Mon statut normal, c'est assisté...

Poissard comme je suis, c'est plié : je commence à stresser. Miss campus a oublié mon billet, j'en suis sûr. Son frérot va me balancer par-dessus bord à pleine vitesse. Dans ma chute, avant même de heurter le bas-coté, je vais me prendre un pylône de sustentation en pleine gueule... Las, ça ne me tuera pas : je serai juste estropié, les tripes à l'air, répandu sur deux cent mètres de ballast. Ensuite, l

J'interromps mon soliloque mental : à mon cou, le Dé semble prendre du poids...
Il faut que je me calme !

 
Je m'éveille soudain, les moustaches titillées par une odeur on ne peut plus familière...
Lohan ?

Compte tenu de sa volatilité, je dirais que mon krolane n'est pas dans cette voiture – le wagon de fret alimentaire, c'est réservé aux V.I.P – mais dans celle qui me précède. Mélangée à la fragrance de la vapeur et de la suie, portée par le vent relatif au déplacement du monorail, je capte sa signature olfactive : un mélange déplorable de stress, de déodorant premier prix et de sous-vêtements négligés.

Aucun doute, c'est bien lui...

Son audace, inhabituelle, m'intrigue : depuis quand s'autorise-t-il ce genre d'initiative ? Plus pusillanime que lui, tu meurs... c'est bizarre. Très bizarre.
De fait, maintenant que j'y pense, depuis quelques temps... il n'est plus dans son assiette. Il change. Je le sens.

Bref. Je n'avais pas prévu de l'emmener ! Du coup, ça modifie mes perspectives : et si je m'offrais des vacances, plutôt qu'à monter ces foutus trafics de lait coupé et d'herbe à chat ? Après tout, le Sin' est déjà la plaque tournante de toute une économie féline parallèle, inutile que je m'expose davantage ; avec Lohan pour me préparer la gamelle, je n'aurai même pas besoin de chasser !

Autant prendre du bon temps en mode "tourisme sexuel", ça me changera. Explosion démographique de petits noirauds à prévoir dans les mois qui viennent, eh eh : Planquez vos chattes, j'arrive !!

Je vais attendre que le train stoppe pour aller chercher mon familier, inutile de prendre des risques en passant par les toits : à pleine vitesse, malgré mes crampons, je pourrais m'envoler.

 
S'avançant et plaçant une main sur sa poitrine, son sourire s'élargit, son torse se bombe.

CK : "Lui-même."

Ah. Ca claque hein ? Sobre, de bon goût, l'entrée en matière parfaite du gentleman. Ce qu'il était de toute évidence. Et comme dans tout bon roman, face au gentil et à la belle, il y avait le méchant.

N'attendez pas de Cal de l'empathie. Comprendre ce qui se passe dans la tête de son prochain ? La bonne blague. Alors le stress de l'assistant assisté insistant sur sa capacité à se sustenter sans ostentation, mais guère à celle de survivre cinq semaines sans stress sans cesser d'appeler sa mère -une sainte femme, on l'aura compris, business woman avertie de première catégorie-, ne comptez pas non plus sur lui pour le prendre en compte autrement que comme ça.

Plongeant son regard dans le pauvret -qui, en passant, le dépassait presque en étant assis, lui qui était débout-, il le fixe. Sourire, toujours, glacial maintenant. Tintintin... Sortant de sa veste son galurin écrasé, il se le colle sur la tête. Galurin ressemblant approximativement au croisement improbable entre un fedora et une applatisseuse de travaux publics. Il faudrait corriger ça en arrivant.

CK : "Quand tu m'as dit que tu partais sans même me convier au voyage, j'ai tout de suite su que quelque chose n'allait pas. Et je suis donc venu te libérer de ce..."

Son doigt se pointe, et se colle j uste sous le nez de l'assistant.

CK : "Sombre individu ! Ne crains rien, je suis là ! Tu veux combien pour la libérer ? Ta vie, ça suffirait ?"

Dans la manche, à l'intérieur de sa veste, deux doigts se posent sur une lame. Et dans son esprit, un semblant de bon-sens décide d'aller jouer au craps avec les copains.

 
Mais à quoi rime donc cette histoire ? Non seulement Cal déboule de nulle part déguisé en contrôleur, mais en plus le voilà maintenant qui s'en prend à l'assistant de Rhôz, comme s'il constituait une menace pour elle – alors que son innocuité pour elle est bien l'une de ses seules certitudes dans ce monde de Lanyshtas sournois. À croire que l'hypothèse d'une détérioration de l'équilibre psychique lors de la transformation est loin d'être fantaisiste.

Pour tenter de désamorcer la situation, elle prend la parole sur un ton de gravité ironique :

Cal, je te présente Lohan, mon loyal et fidèle assistant – elle insiste bien sur chaque syllabe du mot A-SSIS-TANT –, qui m'accompagne dans un important voyage professionnel.

Elle marque une pause pour que les informations aient bien le temps de circuler dans l'esprit fantasque et tarabiscoté du « Prince de voleurs ».

Lohan, je te présente Cal, qui est une sorte d'artiste à sa manière. Et qui va peut-être nous épargner son grand numéro de je ne sais quoi...

Ci disant, elle adresse à l'usurpateur d'uniforme un regard noir.

... mais qui va peut-être nous expliquer de quoi il retourne, n'est-ce pas ?

 


Et voilà !

Entre un voyage tant subit que subi et l'acariâtre contrôleur, mon sang ne fait qu'un tour avant que le Dé ne décide d'envoyer mon identité - enfin, ce qui en tient lieu - rejoindre la partie de Craps initiée par le bon sens de Cal. Le problème, c'est que personne ne vient la remplacer... Et donc, d'un coup d'un seul : je deviens amnésique !

Je ne me souviens de rien, rien, rien : ni de ces gens, ni de mon nom.

Tout ce qui vient d'être dit, en ce qui me concerne, ne l'a jamais été. Mon savoir n'est que linguistique (je sais parler), domestique (j'ai un chat) et géographique (j'habite à Kil'Sin).

C'est donc un individu totalement neuf qui soudain, écarquille les yeux, regarde autour de lui, puis Rhôz, puis Cal.
Avisant la tenue de ce dernier, je prends conscience de la situation : nous sommes dans le compartiment voyageur du monorail de la ligne, voyons voir... voilà, c'est écrit sur le haut des sièges : « Sin-Dara ».

Question : dans quel sens roule-t-on ? Impossible de m'en souvenir.
J'ai dû m'assoupir, la mémoire va me revenir très vite...

Le poinçonneur doit le savoir !

Me fendant d'un bref sourire à l'intention de ma jeune voisine - elle me fixe avec une certaine insistance, la coquine... je dois lui taper dans l'oeil - je me tourne vers l'accorte fonctionnaire et lui demande :

- Dites-moi, mon brave : où va ce train ?

J'en oublie même de bégayer, c'est dire...

 
De quoi il en retourne ? Le voleur roule des yeux. Mon dieu, si tout le monde n'y met pas du sien.

CK : "Il en retourne de mon sauvetage héroïque. Toi, prise en otage par ce sombre individu, moi qui emprunte ce costume à un bienveillant préposé, qui saute dans le train au dernier moment pour confronter ton ravisseur, je sors mon arme, il me désarme, je le désarme, il s'enfuit sur le toit, combat final à mains nues, il me maitrise, et au dernier moment, TAK, réplique qui tue, je le pousse dans le vide. C'est ça dont il retourne !"

Il lève les yeux au ciel. Puis les ferme, lève une main, comme pour couper court à tout reproche.

CK : "On va devoir improviser, je sais que tu n'aime pas ça mais on n'a pas le choix. Alors lui c'est l'assistant de mon ass..."

Mon brave ? Où ? Regard héberlué de Cal. Puis regard vers Rhôz... Et...

CK : "En fait, c'est toi qui l'a enlevé c'est ça ? L'essence de Genthiane est redoutable pour endormir quelqu'un, mais je crois que tu as sous-dosé pour un kidnapping. Je le rendors ?"

******************

Quelque part, la table de craps s'installait. Et la patience de Rhôz avait déjà sa place attitrée. Celle avec le plus grand verre. Elle était en retard.

 
Effectivement, la patience de Rhôz se trouve conviée à la table d'un jeu qui pour elle constitue avant tout un contretemps. Bien que cela n'ait probablement aucune incidence sur l'heure d'arrivée du train. Les premiers dés sont déjà lancés. Bien que le point de départ de l'imbroglio soit encore brumeux aux yeux de l'étudiante, la situation est déjà en évolution.

Tout en jouant de ses grands airs de la plus belle opérette, Cal paraît avoir entamé une réévaluation de la situation. Il reste cependant fixé sur l'idée d'un enlèvement. Et toujours vaguement menaçant pour Lohan. Ce dernier, quant à lui, affichant une assurance inhabituelle, vient manifestement de connaître une de ses sautes d'humeur. En dehors de lui, seule Rhôz peut soupçonner ce qui vient de se passer.

Supposant, à tort ou à raison, que le risque de violence est faible, et parce qu'elle si dit que les circonstances lui permettront peut-être une bonne observation du phénomène, Rhôz choisit de ne rien faire, ni dire mot, et de regarder ce qui va se passer. Tout au plus se contente-t-elle de répondre à l'interrogation de Cal par un petit haussement d'épaules en levant les yeux au ciel.

 
Dès l'arrêt du monorail, je jaillis de sous ma bâche tel un diable à ressorts, saute sur le ballast, slalome entre les tuyaux et les jambes des conducteurs et cours ventre à terre sous les wagons, en direction de la voiture des passagers.

D'expérience, je sais que les cheminots voyagent avec leur molosse : cela décourage les chiens errants, les chats, les rats, les corbeaux et autres pique-assiettes, toujours à l'affut de ce qui tombe des caisses et des palettes lors des pauses. De fait, je vois un mâtin sinnois s'ébrouer à l'ombre. Le temps qu'il flaire ma présence, le gros con, je suis déjà loin...

Je longe les voitures par en-dessous, attentif à ne pas perdre la trace olfactive de ma proie. Ca sent le bipède en pagaille, mais je n'en cherche qu'un : le mien. Il n'est pas loin...

Avant de sortir de l'axe du rail, je m'offre un petit-déjeuner : l'un des gardes armés laisse trainer sa biscotte à portée de mes lames, tant pis pour lui !



Dix secondes plus tard, je monte sur la remorque reliant le bon wagon aux autres. Mon krolane est bien là ! Le temps de me glisser par l'ouverture de l'aérateur... c'est fait : je suis dans la place !

La plupart des gens dorment : nous sommes aux deux tiers d'un voyage assez long, ça ronfle en cadence là-dedans ! Enfin, je repère mon familier : il roupille également, installé à coté d'une femelle de son espèce. Mmhhh... ça aussi, c'est assez nouveau... je l'ai très rarement vu accompagné et lorsque c'est arrivé, il s'est proprement fait maraver la gueule ! Et celui qui cause, en uniforme, c'est qui ? Je m'en méfie, des uniformes : en général, leurs propriétaires me chassent à coups de pierres. Si je me montre, est-ce qu'il va me chercher des poux ?

Bah, il me suffit de rester avec Lohan : tout le monde verra qu'il est à moi. De toute façon, ce ne sont pas mes oignons. Les histoires de krolanes, je les laisse aux krolanes. Faut pas qu'ils me tuent le mien, c'est tout ce que je demande...

Allez, j'ai suffisamment tergiversé : moi aussi, j'ai envie de dormir au chaud, sur un gros coussin bien confortable ! Même pas besoin de prendre de l'élan : un bond coup de rein et... Hop-là, coucou me voilà !

Alors mon grand : surpris ??

 
Le monorail ralentit, puis s'arrête.

Il fait le plein d'eau : j'entends les bruits des durites qu'on traine, suivit du ronronnement des pompes mécaniques qu'on branche au château-relais de l'aqueduc. Logiquement, les gardes armés sont sur le toit, à surveiller les alentours : non qu'on ne risque grand-chose, la voie est sûre, mais qui sait ? En tout cas, ça n'a pas l'air d'intéresser notre contrôleur, qui reste à notre niveau... et déblatère tout un charabia insensé :

Qu'est-ce que c'est que cette histoire de kidnapping ? Il parle de moi, là ? C'est une blague, je suppose ?
Oh, je vois : ces deux-là se connaissent, peut-être sont-ils de la même famille... à moins que le fringuant fonctionnaire ne fasse du plat à ma voisine ? Ben mon gaillard, si tu veux mon avis : elle est toute pourrie, ta technique !

Si j'étais bien l'assistant de cette demoiselle, il parlerait de moi. Seulement voilà, je suis...

Je suis quoi, au fait ? Et qui, déjà ?

Bon, ça ne va pas du tout : soit j'ai abusé de la picole, soit je comate. Dans les deux cas, c'est inconfortable et j'aimerais que ça cesse ! Je vais piquer un roupillon, tiens : ça va me rendormir ou me sortir de ce rêve débile.

Or donc, je baisse mon siège à fond et, sans davantage m'intéresser au duo comique de mes deux vis-à-vis, je prends mes aises et ferme les yeux. Une seconde, pas plus...

Parce qu'à cet instant précis, je reçois sept kilos de muscles, de poils et de tendresse sur le bide.

J'ouvre les yeux, pétrifié par la surprise (et la douleur) : un gros chat noir me regarde !!

 
Pas de réponse de Rhôz. Pas de réponse de Lohan. Et le blond sourire reste figé. Ben quoi ? Z'êtes mort ? Il pourrait presque se faire une raison, jeter sa veste, et joyeusement s'installer entre les deux -j'suis tout petit monsieur dame un peu de pitié-. Mais soudain débarque, à la surprise générale...

SUPER CHAT !

Enfin, même si le chat tenait plus du matou parrain un brin psycho que du journaleux en slip qui crache ses boules de poils pour sauver l'orphelin, il fallait avouer que sept kilos de poils noirs en imposait sacrément.

Là, deux réactions possibles. La première, consistant à être effrayé par les animaux, hurler comme une fillette et partir devant l'improbable panthère passée un peu trop longtemps dans une de ces machines à laver à vapeur. Oui, il a réduit, vous comprenez bien l'image. C'est une image humoristique et... Laissez tomber.

La seconde réaction ? Trouver l'imposant matou "trop mignon avec sa pitite fourrure", le prendre dans ses bras, et le câliner à mort en risquant à tout moment d'être égorgé par le mafieux griffu.

Quelle réaction adopte Cal ? D'après vous ? La troisième bien sûr... La jalousie. Oui, parfaitement, le petit blond était jaloux d'un matou pouvant quasiment, en terme de stature, le dépasser. Pourquoi ? Parce que quelqu'un qui s'accapare l'attention du public est un danger pour lui. En tout cas, quand il ne l'a pas décidé lui-même. C'est le Prince des Voleurs, le maître de l'escamotage, et personne ne l'escamote sans sa permission !

Pointant un doigt vers le matou, son sourire disparait.

CK : "Les animaux sont interdits dans le monorail."

Puis foutant son doigt sous le nez du matou.

CK : "Tu es interdit dans le monorail."

Calme, et ferme. Sûrement l'inverse de ce qu'il fallait être dans la situation.

 
Rhôz se sent halluciner. Tout d'abord Lohan qui plonge d'assurance verbale en narcolepsie soudaine. Puis ce gros chat noir sorti de nulle part pour se lover sur ses genoux... Et maintenant Cal qui concentre toute son attention procédurière de faux contrôleur sur la bête, et qui lui parle !

C'est à vrai dire un gros morceaux de félin qui a fait son apparition parmi eux. Le genre de matou monstrueux qui fait sa loi partout où il veut bien se trouver. En l'occurrence dans leur compartiment, jetant apparemment son dévolu sur son assistant. Lohan exercerait-il un magnétisme insoupçonné sur les animaux ? Ou sont-ce seulement ses genoux de voyageur assoupi qui sont à l'origine d'une attirance féline fortuite ?

Le seule chose dont Rhôz est pour le moment certaine, c'est que Cal possède un certain tropisme pour le danger. Encore qu'un chat, même gros, ne représente pas vraiment une menace pour un Krolanne adulte. N'est-ce pas ?

 
Le choc me remet la cervelle à l'endroit : mon identité reprend sa place attitrée et avec elle, reviennent les souvenirs enfouis !
Je sursaute :

- Titus Javier-Valethian de Bouton-Brossard ?

Le seul truc que je peux dire d'une traite sans bégayer, c'est le nom de mon chat. Pour le reste...

- Rhhhôô, c'est q-qui le gros pé-p-pé-pp-pépère à s-son p-apa ? Houuuu le b-beau ch-ch-chat que v-voilà ! Houuuu q-qu'il est ch-choupin-n-nou le m-mat...

Ah merd', y'a du monde, je vais encore passer pour une truffe !
Relevant la tête, je toise le "contrôleur" : le discours de l'érudite prend vaguement sens, tout d'un coup... Un artiste, hein ? Maintenant qu'elle le dit, sa saute d'humeur spectaculaire s'explique. Il veut sans doute me racketter après sa prestation...

- Sym-p-pa le n-numér-o, v-vous êtes d-doué. V-vr-vr-vraim-ment. Seulement vous êt-t-tes m-mal tombé, je n'ai p-plus un rond...

J'envoie une pensée machinale à madame Rose :

Pensée :

Titus, lui, reste zen. Posté sur mon ventre en mode Sphinx, les yeux fermés, il ronronne comme une forge kildarienne :



Mais je le connais, le bestiaud : même endormi, il reste dangereux...
Surtout, ne pas péter !

 
Regard d'incompréhension profonde. Perdu, complètement perdu. Comment ça, plus un rond ? Et c'est quoi ce nom, pour un chat, sérieusement ? Mais... Il veut le payer, le bougre ?

Belle performance de l'original qui parvient littéralement à bloquer le voleur. Et le silence s(installe...

Avant que Cal n'attrape l'étudiante par le col pour commencer à la secouer, une soudaine panique sur son visage.

CK : "Mais qu'est ce qu'il se passe à la fin ?! Qui est qui ?! Parle Rhôz, parle nom d'un Kil !"

Elle parlerait sûrement s'il arrêtait de la secouer comme un prunier. Regard vers l'échalas.

CK : "Et toi, là, machin, toi non plus, tu peux pas expliquer, hein, hein, hein ?!"

C'est rare mais Cal ne comprend pas. Comprenez : n'arrive pas à imaginer un scénario crédible pour expliquer la situation. Et c'est sacrément flippant en soi.

 
N'ayant pas du tout anticipé la réaction panique de Cal, Rhôz se retrouve secouée comme un arbre fruitier. Il veut des explications, mais à vrai dire la situation est, pour elle aussi, un peu embrouillée.

Pensée :
Elle se saisit des mains sur son col et les en détache.

Bon, assied-toi, Cal, et calme-toi, on va récapituler...

J'ai des recherches à faire à Kil'dara. Et des scientifiques à rencontrer.

Elle préfère ne pas préciser pas qu'il s'agit de Lanyshtas.

Comme je l'ai dit il y a une instant, cette personne qui m'accompagne est Lohan, mon assistant de l'Institut comitaire.

Et personne n'a enlevé personne.

Elle se tourne vers son assistant, au chat ronronnant sur ses genoux.

Tu connais ce félin, on dirait, Lohan ? Belle bête.

Revenant à un Prince des voleurs visiblement toujours ébranlé :

Et toi, Cal, qu'est-ce que tu fiches ici ? Dans ce train ? Avec cet uniforme ?

Tu ne devais pas garder un appartement pendant l'absence de sa propriétaire ?

Quelques explications, et beaucoup de questions.

 
Mon regard passe de l'un à l'autre tandis que je remue vaguement sur mon siège afin d'équilibrer le poids conséquent de Titus en le déplaçant vers mon bas-ventre, sur les os du bassin plus à même de le soutenir que mes intestins suppliciés.

Lorsque Cal saisit l'érudite au collet, j'envisage d'intervenir, mais cette idée saugrenue - je ne suis vraiment pas dans mon assiette, moi - meurt aussi vite qu'elle est née : fut-il plus fluet que moi, l'atrabilaire contrôleur me terrasserait d'une seule main, comme à peu près n'importe qui ici bas. Qui plus est, me lever brusquement dérangerait le fauve ; dans ces cas-là, son premier réflexe est de déchiqueter la cause de son réveil brutal, quitte à s'en trouver penaud ensuite (mais il est trop tard : vous êtes déjà défiguré). Donc, je ne moufte pas, m'enfonçant un peu plus dans mon siège que je ne le suis déjà...

Ma patronne s'en sort très bien toute seule, d'ailleurs : elle n'a nul besoin de moi. Calme et posée, elle explique à nouveau qui est qui et cette fois, je capte. Enfin je crois...

Il y a quand même quelque chose qu'elle ne dit pas, et c'est tout sauf un détail : l'olibrius endimanché, c'est un quidam de base, un membre ordinaire du pack de kro', ou c'est un lanystha ? J'aimerais bien qu'elle m'affranchisse, histoire de savoir ce qui peut être dit... ou pas ! Dans l'expectative, je ne compte prendre aucun risque...

Je réponds néanmoins à la question posée, c'est le minimum syndical :

- Ou-oui, euh... c'est m-mon chat... Comme j-je suis p-plut-tôt d'un t-tempéram-ment casanier, il n'a p-pas l'habit-tu-tu-tude de rester s-seul à la m-maison... je m-me demande juste c-c-comment il a fait p-pour me ret-tr-trouver... Il est gentil, v-vous n'avez p-pas à v-vous en in-qui-qui-qui-quiéter, il f-faut juste ne p-pas le brusquer...

Ni le plonger dans l'eau, encore moins le nourrir après minuit...
N'y tenant plus, je demande à l'érudite :

Pensée :

A l'intention de Cal, poliment :

- Bo-bon-bonj, b-b-bon-bonj, bonbonbonj-b-b-bonj... salut ! Moi c-c'est Lohan, je t-travaille au c-comité des haut-tes étu-u-u-des a-avec madame Rose. Et v-vous, vous f-fait-aites quoi d-dans ce m-mono-norail ? Un v-voyage d'af-f-faires ?

Ensuite, je fais ce que je fais très bien d'ordinaire : je m'écrase, sans vraiment croire qu'on va me répondre.

 
Lâchant presque docilement le col de la jeune femme, le jeune voleur se risque à jeter un oeil par dessus son épaule... Avant d'enlever sa tunique pour se la carrer dans... Sous les fesses, coussin improvisé cachant un temps son attirail costumier et exposant plus son attirail guerrier. Rien d'illégal dans le fait de porter plusieurs lames et/ou plaques de cuirs stratégiques, hein ?

Exposé de Rhôz. Regard vers l'échalas. Vers le matou. Vers l'étudiante, à nouveau. Et, étonnamment, silence du blondinet, qui écoute attentivement. Oui, il ne coupe pas UNE fois la jeune, rien, que dalle ! Exploit. Mais enfin, on l'interroge.

Plaçant la main sur sa poitrine, il incline la tête :

CK : "Je suis là par erreur, pensant te délivrer des griffes de... Enfin bref, je t'ai expliqué ce que j'ai fait. Donc, dans les faits, je me retrouve à faire ce voyage pour..."

Une seconde de réflexion. Et :

CK : "Explorer, découvrir une contrée inconnue, et sympathiser avec les indigènes ! Leur expliquer les avantages de l'anarchie démocratique et sa supériorité sur leur rigueur scientifique ! Sans offense, ma belle. Et non, Jade m'a prêté son appartement pour que je m'y cache, ce que je fais en changeant désormais habilement de quartier ! Ca brouille les pistes !"

Regard vers l'échalas. Et prise de sa main, avec un secouage intensif.

CK : "Enchanté Lohan, Cal, travailleur indépendant, artiste, acrobate, philanthrope, explorateur et fondateur du tout jeune Comité de l'Empirisme Militant. Ah oui je te parlerai de ça, d'ailleurs, Rhôz. Mais dites m'en plus vous deux, vous vous êtes rencontrés comment ?"

Jalou... Lalalalala, le soleil brille dehors, le matou ronronne, on va s'en mettre plein les poches dans le grand dé !

 
Lohan qui bafouille et Cal qui embellit sa légende. C'est à peu de choses près un retour à la normale. Bien qu'il soit étonnant de voir ce chat venir retrouver son maître ici, dans un monorail motorisé à direction de Kil'dara... Mais soit.

Oui, il faudra que tu me parles de ce nouveau comité, Cal...

Quant à nous... Nous nous sommes rencontrés à l'Institut, évidemment.

Quoique sommairement, les présentations sont faites, et le gros du malentendu semble dissipé. Cependant la question de Lohan vient rappeler à Rhôz qu'elle a peut-être oublié une précision essentielle.

Pensée :
Cette fois-ci, elle a envoyé sa pensée aux deux comparses.

Pensée :