Les sinueux reliefs accidentés du plateau minéral forment des camaïeux
de gris lunaire et d'asphalte. Un vaste échiquier se dessine sur cette surface,
dont les cases innombrables accumulent les défauts de perpendicularité.
Dire sur quelle superficie il s'étend ou combien de bords il possède est impossible.
La voûte céleste est une noirceur où luisent les astres
de constellations erratiques et indéchiffrables. Le damier contorsionné
qu'elles illuminent pourrait être le point culminant d'un continent étrange
ou un monde à lui seul.
Des pièces sont disposées à certains endroits.
Ici, un vieux Roi Blanc – peut-être un vieillard perfide.
Là, une alerte Dame Verte – peut-être une froide calculatrice.
Face à elle, Dame Bleue et Dame d'Ombres – une conjuration naissante ?
D'autres pièces, sans nul doute, sont dissimulées par les replis du terrain –
simples pions, cavaliers solitaires, fous désarçonneurs, bastions inexpugnables,
ou encore piégeurs d'âmes, dompteurs de fariboles, bouchers hypnotiseurs,
trafiquants de quintessence, chimères acrobates...
Une certitude semble partagée, celle d'une partie
entamée d'ores et déjà, on ne sait quand, par on ne sait qui,
dans laquelle s'opposeront, s'allieront des factions encore mal définies,
dans des circonstances floues, sans idée nette du jeu ni de sa finalité.
Il en est pour imaginer des règles et compter les points, pour dominer ou périr.
D'autres pour s'interroger sur les enjeux, ce qui peut y être gagné ou perdu.
Certains autres pour se demander seulement comment échapper
à cette funeste comédie.